Le Gabon célèbre ce lundi 17 août 2020, le 60e anniversaire de son accession à la souveraineté internationale. Soixante ans après cette avancée significative sur le plan républicaine, que dire de l’évolution économique de ce pays ? Bref tour d’horizon sur un processus d’indépendance économique « bâclé ».
60 ans, c’est l’âge de la maturité chez un individu. Cet âge qui trace un long parcours de vie peut permettre d’apprécier le bilan de l’état d’avancement de l’économie gabonaise. Un bilan que l’on qualifierait d’emblée de mitigé, parce que ne s’étant pas matérialisé par un développement positivement appréciable. C’est à ce titre, pour mieux appréhender le sujet sur l’indépendance économique du Gabon, 60 ans après, que nous pouvons nous poser la question de savoir quelles avancées sont perceptibles sur le plan économique depuis 1960 ?
Contrairement à beaucoup d’autres Etats d’Afrique subsaharienne, le Gabon possède et a toujours possédé des ressources le présentant comme un pays riche. La position qu’il y occupe vient des atouts structurels de son économie. Le Gabon, c’est en effet 88% de forêt regorgeant d’immenses richesses naturelles : pétrole, manganèse, bois, or, uranium, fer et autres minerais. Mais, c’est aussi 800 kilomètres de côte immensément riches. A la lecture, ce qui transparaît, c’est que ces richesses ont depuis les indépendances, contribué à hisser le Gabon au rang de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieur du fait de sa force économique.
De l’époque de la colonisation jusqu’à celle d’après les indépendances, l’exploitation forestière a été la principale activité économique. Des années plus tard, le profil économique du pays va se remodeler au gré des découvertes pétrolières (environ 50% du Produit intérieur brut- PIB) et du boom pétrolier des années 70. Suivra une longue période faste marquée par d’importantes réalisations sur le plan social et économique. Grâce à sa structure macroéconomique comparativement à celle de ces voisins d’Afrique, et au boom pétrolier, le Gabon sera classé parmi les pays les plus riches et les plus développés d’Afrique subsaharienne. Ces indicateurs de développement seront même très proches de certains pays aujourd’hui développés.
Pendant des années, pétrole, bois et manganèse feront la force économique du Gabon. Les retombées financières des activités liées à l’exploitation de ces matières premières ne profiteront malheureusement que très peu aux populations. Mal- gouvernance, corruption aggravée, pillages et détournements des deniers publics gangrèneront l’évolution du pays. Ce qui compromettra gravement son développement intégral, malgré des performances financières enviables en Afrique.
A ces griefs, s’ajoute le fait qu’aucune alternative n’a jusqu’ici pas été apportée à la dépendance du pays vis- à- vis de l’or noir. D’ailleurs, le Dr Prosper Metoughe Nang qui va y consacrer dans les prochaines années un livre sur la question affirme : « 60 ans après les indépendances, l’économie gabonaise reste une économie de rente, malgré quelques tentatives de diversification. Le pétrole et le bois procurent près de 75% du budget de l’Etat. Les autres secteurs sont peu développés ». Quelques réformes visant la diversification de l’économie gabonaise ont été engagées certes, mais elles présentent la faiblesse d’être insuffisantes et inefficaces.
Alors, le constat général du Dr est formel : « il s’agit en réalité d’une économie fondée sur la vente des matières premières à l’état brut ». Ce qui d’une certaine manière a bloqué le décollage économique du Gabon. C’est aussi l’une des causes du sous- développement du commerce caractérisé au niveau extérieur par les importations des matières premières uniquement, et au niveau intérieur, « l’activité de base des petites et moyennes entreprises locales tenues en majorité par des opérateurs économiques étrangers ».
L’agriculture, secteur pourvoyeur de richesses aurait pu également etre développement, mais celle-ci a souffert pendant des années d’une faiblesse de financement publique et des projets n’ont mené à terme. A ce jour et contrairement à son voisin d’Afrique centrale, le Cameroun, elle demeure une agriculture de subsistance utilisant des selon l’Enseignant-chercheur, des « moyens archaïques », malgré les engagements signés en juillet 2003 à Maputo, au Mozambique, visant à consacrer 10% du budget public à ce secteur sur les années qui ont précédé 2003. C’est également le cas du secteur industriel qui, lui, peine aussi à trouver ses marques.
En 2009, élu président de la République, Ali Bongo Ondimba avait, sur la base du Plan stratégique Gabon émergent (PSGE), fait le vœu de faire du Gabon un pays émergent à l’horizon 2025. Cette annonce s’est matérialisée par le lancement des grands chantiers et la mise en place des grandes réformes sur le plan économique. Les résultats, dix ans après, et à cinq ans de la date butoir de l’émergence, sont mitigés. C’est le cas de l’industrialisation du Gabon qui devrait être effective dès 2020 et qui illustre bien la faiblesse de cette annonce.
La faiblesse des réformes a donc eu pour effet négatif d’impacter la croissance économique, compromettre les perspectives économiques du Gabon à long termes, et par ricochet, la croissance économique de 1960 à nos jours. Notons que la croissance annuelle du Produit intérieur brut (PIB) est partie de 14,77% en 1961 à 0,48% en 2017 et qu’en 2025, selon les estimations des analystes, la valeur de la croissance annuelle du PIB du Gabon oscillera autour de -7,25%. Ces statistiques sont toutefois à prendre avec beaucoup de pincettes.
Par ailleurs, les crises successives de 2014 et 2020 dues à l’effondrement du coût du baril de pétrole et au coronavirus ont mis à nu les faiblesses de l’économie gabonaise, ainsi que son incapacité à résister aux chocs extérieurs. Peut-être, cela provient- il aussi du mauvais décollage des années 60, explicable par le manque de vision de développement à long terme et la faiblesse des politiques structurelles, susceptibles de permettre au pays d’amorcer son développement. 60 ans après les indépendances, il parait en toute lucidité de reconnaitre que le bilan est négatif. D’ailleurs, le président de la République, Ali Bongo Ondimba a lui-même reconnu que « beaucoup restant à faire » et à tous les niveaux.
Altitude Moukala